LIVRE HUITIÈME 

DE LA PRESCRIPTION

 

 

TITRE PREMIER 

DU RÉGIME DE LA PRESCRIPTION

 

 

CHAPITRE PREMIER 

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 

2875.  La prescription est un moyen d'acquérir ou de se libérer par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi: la prescription est dite acquisitive dans le premier cas et, dans le second, extinctive.

 

1991, c. 64, a. 2875.

 

2876.  Ce qui est hors commerce, incessible ou non susceptible d'appropriation, par nature ou par affectation, est imprescriptible.

 

1991, c. 64, a. 2876.

 

2877.  La prescription s'accomplit en faveur ou à l'encontre de tous, même de l'État, sous réserve des dispositions expresses de la loi.

 

1991, c. 64, a. 2877.

 

2878.  Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.

 

Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès.

 

1991, c. 64, a. 2878.

 

2879.  Le délai de prescription se compte par jour entier. Le jour à partir duquel court la prescription n'est pas compté dans le calcul du délai.

 

La prescription n'est acquise que lorsque le dernier jour du délai est révolu. Lorsque le dernier jour est un samedi ou un jour férié, la prescription n'est acquise qu'au premier jour ouvrable qui suit.

 

1991, c. 64, a. 2879.

 

2880.  La dépossession fixe le point de départ du délai de la prescription acquisitive.

 

Le jour où le droit d'action a pris naissance fixe le point de départ de la prescription extinctive.

 

1991, c. 64, a. 2880.

 

2881.  La prescription peut être opposée en tout état de cause, même en appel, à moins que la partie qui n'aurait pas opposé le moyen n'ait, en raison des circonstances, manifesté son intention d'y renoncer.

 

1991, c. 64, a. 2881.

 

2882.  Même si le délai pour s'en prévaloir par action directe est expiré, le moyen qui tend à repousser une action peut toujours être invoqué, à la condition qu'il ait pu constituer un moyen de défense valable à l'action, au moment où il pouvait encore fonder une action directe.

 

Ce moyen, s'il est reçu, ne fait pas revivre l'action directe prescrite.

 

1991, c. 64, a. 2882.

 

 

CHAPITRE DEUXIÈME 

DE LA RENONCIATION À LA PRESCRIPTION

 

2883.  On ne peut pas renoncer d'avance à la prescription, mais on peut renoncer à la prescription acquise et au bénéfice du temps écoulé pour celle commencée.

 

1991, c. 64, a. 2883.

 

2884.  On ne peut pas convenir d'un délai de prescription autre que celui prévu par la loi.

 

1991, c. 64, a. 2884.

 

2885.  La renonciation à la prescription est soit expresse, soit tacite; elle est tacite lorsqu'elle résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis.

 

Toutefois, la renonciation à la prescription acquise de droits réels immobiliers doit être publiée au bureau de la publicité des droits.

 

1991, c. 64, a. 2885.

 

2886.  Celui qui ne peut aliéner ne peut renoncer à la prescription acquise.

 

1991, c. 64, a. 2886.

 

2887.  Toute personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise peut l'opposer, lors même que le débiteur ou le possesseur y renonce.

 

1991, c. 64, a. 2887.

 

2888.  Après la renonciation, la prescription recommence à courir par le même laps de temps.

 

1991, c. 64, a. 2888.

 

 

CHAPITRE TROISIÈME 

DE L'INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION

 

2889.  La prescription peut être interrompue naturellement ou civilement.

 

1991, c. 64, a. 2889.

 

2890.  Il y a interruption naturelle de la prescription acquisitive lorsque le possesseur est privé, pendant plus d'un an, de la jouissance du bien.

 

1991, c. 64, a. 2890.

 

2891.  Il y a interruption naturelle de la prescription extinctive lorsque le titulaire d'un droit, après avoir omis de s'en prévaloir, exerce ce droit.

 

1991, c. 64, a. 2891.

 

2892.  Le dépôt d'une demande en justice, avant l'expiration du délai de prescription, forme une interruption civile, pourvu que cette demande soit signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, au plus tard dans les 60 jours qui suivent l'expiration du délai de prescription.

 

La demande reconventionnelle, l'intervention, la saisie et l'opposition sont considérées comme des demandes en justice. Il en est de même de l'avis exprimant l'intention d'une partie de soumettre un différend à l'arbitrage, pourvu que cet avis expose l'objet du différend qui y sera soumis et qu'il soit signifié suivant les règles et dans les délais applicables à la demande en justice.

 

1991, c. 64, a. 2892.

 

2893.  Interrompt également la prescription, toute demande faite par un créancier en vue de participer à une distribution en concurrence avec d'autres créanciers.

 

1991, c. 64, a. 2893.

 

2894.  L'interruption n'a pas lieu s'il y a rejet de la demande, désistement ou péremption de l'instance.

 

1991, c. 64, a. 2894.

 

2895.  Lorsque la demande d'une partie est rejetée sans qu'une décision ait été rendue sur le fond de l'affaire et que, à la date du jugement, le délai de prescription est expiré ou doit expirer dans moins de trois mois, le demandeur bénéficie d'un délai supplémentaire de trois mois à compter de la signification du jugement, pour faire valoir son droit.

 

Il en est de même en matière d'arbitrage; le délai de trois mois court alors depuis le dépôt de la sentence, la fin de la mission des arbitres ou la signification du jugement d'annulation de la sentence.

 

1991, c. 64, a. 2895.

 

2896.  L'interruption résultant d'une demande en justice se continue jusqu'au jugement passé en force de chose jugée ou, le cas échéant, jusqu'à la transaction intervenue entre les parties.

 

Elle a son effet, à l'égard de toutes les parties, pour tout droit découlant de la même source.

 

1991, c. 64, a. 2896.

 

2897.  L'interruption qui résulte de l'exercice d'un recours collectif profite à tous les membres du groupe qui n'ont pas demandé à en être exclus.

 

1991, c. 64, a. 2897.

 

2898.  La reconnaissance d'un droit, de même que la renonciation au bénéfice du temps écoulé, interrompt la prescription.

 

1991, c. 64, a. 2898.

 

2899.  La demande en justice, ou tout autre acte interruptif contre le débiteur principal ou contre la caution, interrompt la prescription à l'égard de l'un et de l'autre.

 

1991, c. 64, a. 2899.

 

2900.  L'interruption à l'égard de l'un des créanciers ou des débiteurs d'une obligation solidaire ou indivisible produit ses effets à l'égard des autres.

 

1991, c. 64, a. 2900.

 

2901.  L'interruption à l'égard de l'un des créanciers ou débiteurs conjoints d'une obligation divisible ne produit pas d'effet à l'égard des autres.

 

1991, c. 64, a. 2901.

 

2902.  L'interruption à l'égard de l'un des cohéritiers d'un créancier ou débiteur solidaire d'une obligation divisible ne produit ses effets, à l'égard des autres créanciers ou débiteurs solidaires, que pour la part de cet héritier.

 

1991, c. 64, a. 2902.

 

2903.  Après l'interruption, la prescription recommence à courir par le même laps de temps.

 

1991, c. 64, a. 2903.

 

 

CHAPITRE QUATRIÈME 

DE LA SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION

 

2904.  La prescription ne court pas contre les personnes qui sont dans l'impossibilité en fait d'agir soit par elles-mêmes, soit en se faisant représenter par d'autres.

 

1991, c. 64, a. 2904.

 

2905.  La prescription ne court pas contre l'enfant à naître.

 

Elle ne court pas, non plus, contre le mineur ou le majeur sous curatelle ou sous tutelle, à l'égard des recours qu'ils peuvent avoir contre leur représentant ou contre la personne qui est responsable de leur garde.

 

1991, c. 64, a. 2905.

 

2906.  La prescription ne court point entre les époux ou les conjoints unis civilement pendant la vie commune.

 

1991, c. 64, a. 2906; 2002, c. 6, a. 59.

 

2907.  La prescription ne court pas contre l'héritier, à l'égard des créances qu'il a contre la succession.

 

1991, c. 64, a. 2907.

 

2908.  La requête pour obtenir l'autorisation d'exercer un recours collectif suspend la prescription en faveur de tous les membres du groupe auquel elle profite ou, le cas échéant, en faveur du groupe que décrit le jugement qui fait droit à la requête.

 

Cette suspension dure tant que la requête n'est pas rejetée, annulée ou que le jugement qui y fait droit n'est pas annulé; par contre, le membre qui demande à être exclu du recours, ou qui en est exclu par la description que fait du groupe le jugement qui autorise le recours, un jugement interlocutoire ou le jugement qui dispose du recours, cesse de profiter de la suspension de la prescription.

 

Toutefois, s'il s'agit d'un jugement, la prescription ne recommence à courir qu'au moment où le jugement n'est plus susceptible d'appel.

 

1991, c. 64, a. 2908.

 

2909.  La suspension de la prescription des créances solidaires et des créances indivisibles produit ses effets à l'égard des créanciers ou débiteurs et de leurs héritiers suivant les règles applicables à l'interruption de la prescription de ces mêmes créances.

 

1991, c. 64, a. 2909.

 

 

TITRE DEUXIÈME 

DE LA PRESCRIPTION ACQUISITIVE

 

 

CHAPITRE PREMIER 

DES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA PRESCRIPTION ACQUISITIVE

 

2910.  La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir le droit de propriété ou l'un de ses démembrements, par l'effet de la possession.

 

1991, c. 64, a. 2910.

 

2911.  La prescription acquisitive requiert une possession conforme aux conditions établies au livre Des biens.

 

1991, c. 64, a. 2911.

 

2912.  L'ayant cause à titre particulier peut, pour compléter la prescription, joindre à sa possession celle de ses auteurs.

 

L'ayant cause universel ou à titre universel continue la possession de son auteur.

 

1991, c. 64, a. 2912.

 

2913.  La détention ne peut fonder la prescription, même si elle se poursuit au-delà du terme convenu.

 

1991, c. 64, a. 2913.

 

2914.  Un titre précaire peut être interverti au moyen d'un titre émanant d'un tiers ou d'un acte du détenteur inconciliable avec la précarité.

 

L'interversion rend la possession utile à la prescription, à compter du moment où le propriétaire a connaissance du nouveau titre ou de l'acte du détenteur.

 

1991, c. 64, a. 2914.

 

2915.  Les tiers peuvent prescrire contre le propriétaire durant le démembrement ou la précarité.

 

1991, c. 64, a. 2915.

 

2916.  Le grevé et ses ayants cause universels ou à titre universel ne peuvent prescrire contre l'appelé avant l'ouverture de la substitution.

 

1991, c. 64, a. 2916.

 

 

CHAPITRE DEUXIÈME 

DES DÉLAIS DE LA PRESCRIPTION ACQUISITIVE

 

2917.  Le délai de prescription acquisitive est de 10 ans, s'il n'est autrement fixé par la loi.

 

1991, c. 64, a. 2917.

 

2918.  Celui qui, pendant 10 ans, a possédé un immeuble à titre de propriétaire ne peut en acquérir la propriété qu'à la suite d'une demande en justice.

 

1991, c. 64, a. 2918; 2000, c. 42, a. 10.

 

2919.  Le possesseur de bonne foi d'un meuble en acquiert la propriété par trois ans à compter de la dépossession du propriétaire.

 

Tant que ce délai n'est pas expiré, le propriétaire peut revendiquer le meuble, à moins qu'il n'ait été acquis sous l'autorité de la justice.

 

1991, c. 64, a. 2919.

 

2920.  Pour prescrire, il suffit que la bonne foi des tiers acquéreurs ait existé lors de l'acquisition, quand même leur possession utile n'aurait commencé que depuis cette date.

 

Il en est de même en cas de jonction des possessions, à l'égard de chaque acquéreur précédent.

 

1991, c. 64, a. 2920.

 

 

TITRE TROISIÈME 

DE LA PRESCRIPTION EXTINCTIVE

 

2921.  La prescription extinctive est un moyen d'éteindre un droit par non-usage ou d'opposer une fin de non-recevoir à une action.

 

1991, c. 64, a. 2921.

 

2922.  Le délai de la prescription extinctive est de 10 ans, s'il n'est autrement fixé par la loi.

 

1991, c. 64, a. 2922.

 

2923.  Les actions qui visent à faire valoir un droit réel immobilier se prescrivent par 10 ans.

 

Toutefois, l'action qui vise à conserver ou obtenir la possession d'un immeuble doit être exercée dans l'année où survient le trouble ou la dépossession.

 

1991, c. 64, a. 2923.

 

2924.  Le droit qui résulte d'un jugement se prescrit par 10 ans s'il n'est pas exercé.

 

1991, c. 64, a. 2924.

 

2925.  L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

 

1991, c. 64, a. 2925.

 

2926.  Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois.

 

1991, c. 64, a. 2926.

 

2927.  Le délai de prescription de l'action en nullité d'un contrat court à compter de la connaissance de la cause de nullité par celui qui l'invoque, ou à compter de la cessation de la violence ou de la crainte.

 

1991, c. 64, a. 2927.

 

2928.  La demande du conjoint survivant pour faire établir la prestation compensatoire se prescrit par un an à compter du décès de son conjoint.

 

1991, c. 64, a. 2928.

 

2929.  L'action fondée sur une atteinte à la réputation se prescrit par un an, à compter du jour où la connaissance en fut acquise par la personne diffamée.

 

1991, c. 64, a. 2929.

 

2930.  Malgré toute disposition contraire, lorsque l'action est fondée sur l'obligation de réparer le préjudice corporel causé à autrui, l'exigence de donner un avis préalablement à l'exercice d'une action, ou d'intenter celle-ci dans un délai inférieur à trois ans, ne peut faire échec au délai de prescription prévu par le présent livre.

 

1991, c. 64, a. 2930.

 

2931.  Lorsque le contrat est à exécution successive, la prescription des paiements dus a lieu quoique les parties continuent d'exécuter l'une ou l'autre des obligations du contrat.

 

1991, c. 64, a. 2931.

 

2932.  Le délai de prescription de l'action en réduction d'une obligation qui s'exécute de manière successive, que cette obligation résulte d'un contrat, de la loi ou d'un jugement, court à compter du jour où l'obligation est devenue exigible.

 

1991, c. 64, a. 2932.

 

2933.  Le détenteur ne peut se libérer par prescription de la prestation attachée à sa détention, mais la quotité et les arrérages en sont prescriptibles.

 

1991, c. 64, a. 2933.