LIVRE QUATRIÈME 

DES BIENS

 

 

TITRE PREMIER 

DE LA DISTINCTION DES BIENS ET DE LEUR APPROPRIATION

 

 

CHAPITRE PREMIER 

DE LA DISTINCTION DES BIENS

 

899.  Les biens, tant corporels qu'incorporels, se divisent en immeubles et en meubles.

 

1991, c. 64, a. 899.

 

900.  Sont immeubles les fonds de terre, les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s'y trouvent et tout ce qui en fait partie intégrante.

 

Le sont aussi les végétaux et les minéraux, tant qu'ils ne sont pas séparés ou extraits du fonds. Toutefois, les fruits et les autres produits du sol peuvent être considérés comme des meubles dans les actes de disposition dont ils sont l'objet.

 

1991, c. 64, a. 900.

 

901.  Font partie intégrante d'un immeuble les meubles qui sont incorporés à l'immeuble, perdent leur individualité et assurent l'utilité de l'immeuble.

 

1991, c. 64, a. 901.

 

902.  Les parties intégrantes d'un immeuble qui sont temporairement détachées de l'immeuble, conservent leur caractère immobilier, si ces parties sont destinées à y être replacées.

 

1991, c. 64, a. 902.

 

903.  Les meubles qui sont, à demeure, matériellement attachés ou réunis à l'immeuble, sans perdre leur individualité et sans y être incorporés, sont immeubles tant qu'ils y restent.

 

1991, c. 64, a. 903.

 

904.  Les droits réels qui portent sur des immeubles, les actions qui tendent à les faire valoir et celles qui visent à obtenir la possession d'un immeuble sont immeubles.

 

1991, c. 64, a. 904.

 

905.  Sont meubles les choses qui peuvent se transporter, soit qu'elles se meuvent elles-mêmes, soit qu'il faille une force étrangère pour les déplacer.

 

1991, c. 64, a. 905.

 

906.  Sont réputées meubles corporels les ondes ou l'énergie maîtrisées par l'être humain et mises à son service, quel que soit le caractère mobilier ou immobilier de leur source.

 

1991, c. 64, a. 906.

 

907.  Tous les autres biens que la loi ne qualifie pas sont meubles.

 

1991, c. 64, a. 907.

 

 

CHAPITRE DEUXIÈME 

DES BIENS DANS LEURS RAPPORTS AVEC CE QU'ILS PRODUISENT

 

908.  Les biens peuvent, suivant leurs rapports entre eux, se diviser en capitaux et en fruits et revenus.

 

1991, c. 64, a. 908.

 

909.  Sont du capital les biens dont on tire des fruits et revenus, les biens affectés au service ou à l'exploitation d'une entreprise, les actions ou les parts sociales d'une personne morale ou d'une société, le remploi des fruits et revenus, le prix de la disposition d'un capital ou son remploi, ainsi que les indemnités d'expropriation ou d'assurance qui tiennent lieu du capital.

 

Le capital comprend aussi les droits de propriété intellectuelle et industrielle, sauf les sommes qui en proviennent sans qu'il y ait eu aliénation de ces droits, les obligations et autres titres d'emprunt payables en argent, de même que les droits dont l'exercice tend à accroître le capital, tels les droits de souscription des valeurs mobilières d'une personne morale, d'une société en commandite ou d'une fiducie.

 

1991, c. 64, a. 909.

 

910.  Les fruits et revenus sont ce que le bien produit sans que sa substance soit entamée ou ce qui provient de l'utilisation d'un capital. Ils comprennent aussi les droits dont l'exercice tend à accroître les fruits et revenus du bien.

 

Sont classés parmi les fruits ce qui est produit spontanément par le bien, ce qui est produit par la culture ou l'exploitation d'un fonds, de même que le produit ou le croît des animaux.

 

Sont classées parmi les revenus les sommes d'argent que le bien rapporte, tels les loyers, les intérêts, les dividendes, sauf s'ils représentent la distribution d'un capital d'une personne morale; le sont aussi les sommes reçues en raison de la résiliation ou du renouvellement d'un bail ou d'un paiement par anticipation, ou les sommes attribuées ou perçues dans des circonstances analogues.

 

1991, c. 64, a. 910.

 

 

CHAPITRE TROISIÈME 

DES BIENS DANS LEURS RAPPORTS AVEC CEUX QUI Y ONT DES DROITS OU QUI LES POSSÈDENT

 

911.  On peut, à l'égard d'un bien, être titulaire, seul ou avec d'autres, d'un droit de propriété ou d'un autre droit réel, ou encore être possesseur du bien.

 

On peut aussi être détenteur ou administrateur du bien d'autrui, ou être fiduciaire d'un bien affecté à une fin particulière.

 

1991, c. 64, a. 911.

 

912.  Le titulaire d'un droit de propriété ou d'un autre droit réel a le droit d'agir en justice pour faire reconnaître ce droit.

 

1991, c. 64, a. 912.

 

913.  Certaines choses ne sont pas susceptibles d'appropriation; leur usage, commun à tous, est régi par des lois d'intérêt général et, à certains égards, par le présent code.

 

L'air et l'eau qui ne sont pas destinés à l'utilité publique sont toutefois susceptibles d'appropriation s'ils sont recueillis et mis en récipient.

 

1991, c. 64, a. 913.

 

914.  Certaines autres choses qui, parce que sans maître, ne sont pas l'objet d'un droit peuvent néanmoins être appropriées par occupation, si celui qui les prend le fait avec l'intention de s'en rendre propriétaire.

 

1991, c. 64, a. 914.

 

915.  Les biens appartiennent aux personnes ou à l'État, ou font, en certains cas, l'objet d'une affectation.

 

1991, c. 64, a. 915.

 

916.  Les biens s'acquièrent par contrat, par succession, par occupation, par prescription, par accession ou par tout autre mode prévu par la loi.

 

Cependant, nul ne peut s'approprier par occupation, prescription ou accession les biens de l'État, sauf ceux que ce dernier a acquis par succession, vacance ou confiscation, tant qu'ils n'ont pas été confondus avec ses autres biens. Nul ne peut non plus s'approprier les biens des personnes morales de droit public qui sont affectés à l'utilité publique.

 

1991, c. 64, a. 916.

 

917.  Les biens confisqués en vertu de la loi sont, dès leur confiscation, la propriété de l'État ou, en certains cas, de la personne morale de droit public qui a légalement le pouvoir de les confisquer.

 

1991, c. 64, a. 917.

 

918.  Les parties du territoire qui ne sont pas la propriété de personnes physiques ou morales, ou qui ne sont pas transférées à un patrimoine fiduciaire, appartiennent à l'État et font partie de son domaine. Les titres originaires de l'État sur ces biens sont présumés.

 

1991, c. 64, a. 918.

 

919.  Le lit des lacs et des cours d'eau navigables et flottables est, jusqu'à la ligne des hautes eaux, la propriété de l'État.

 

Il en est de même du lit des lacs et cours d'eau non navigables ni flottables bordant les terrains aliénés par l'État après le 9 février 1918; avant cette date, la propriété du fonds riverain emportait, dès l'aliénation, la propriété du lit des cours d'eau non navigables ni flottables.

 

Dans tous les cas, la loi ou l'acte de concession peuvent disposer autrement.

 

1991, c. 64, a. 919.

 

920.  Toute personne peut circuler sur les cours d'eau et les lacs, à la condition de pouvoir y accéder légalement, de ne pas porter atteinte aux droits des propriétaires riverains, de ne pas prendre pied sur les berges et de respecter les conditions d'utilisation de l'eau.

 

1991, c. 64, a. 920.

 

 

CHAPITRE QUATRIÈME 

DE CERTAINS RAPPORTS DE FAIT CONCERNANT LES BIENS

 

 

SECTION I 

DE LA POSSESSION

 

 

§ 1. —  De la nature de la possession

 

921.  La possession est l'exercice de fait, par soi-même ou par l'intermédiaire d'une autre personne qui détient le bien, d'un droit réel dont on se veut titulaire.

 

Cette volonté est présumée. Si elle fait défaut, il y a détention.

 

1991, c. 64, a. 921.

 

922.  Pour produire des effets, la possession doit être paisible, continue, publique et non équivoque.

 

1991, c. 64, a. 922.

 

923.  Celui qui a commencé à détenir pour le compte d'autrui ou avec reconnaissance d'un domaine supérieur est toujours présumé détenir en la même qualité, sauf s'il y a preuve d'interversion de titre résultant de faits non équivoques.

 

1991, c. 64, a. 923.

 

924.  Les actes de pure faculté ou de simple tolérance ne peuvent fonder la possession.

 

1991, c. 64, a. 924.

 

925.  Le possesseur actuel est présumé avoir une possession continue depuis le jour de son entrée en possession; il peut joindre sa possession et celle de ses auteurs.

 

La possession demeure continue même si l'exercice en est empêché ou interrompu temporairement.

 

1991, c. 64, a. 925.

 

926.  La possession entachée de quelque vice ne commence à produire des effets qu'à compter du moment où le vice a cessé.

 

Les ayants cause, à quelque titre que ce soit, ne souffrent pas des vices dans la possession de leur auteur.

 

1991, c. 64, a. 926.

 

927.  Le voleur, le receleur et le fraudeur ne peuvent invoquer les effets de la possession, mais leurs ayants cause, à quelque titre que ce soit, le peuvent s'ils ignoraient le vice.

 

1991, c. 64, a. 927.

 

 

§ 2. —  Des effets de la possession

 

928.  Le possesseur est présumé titulaire du droit réel qu'il exerce. C'est à celui qui conteste cette qualité à prouver son droit et, le cas échéant, l'absence de titre, ou encore les vices de la possession ou du titre du possesseur.

 

1991, c. 64, a. 928.

 

929.  Le possesseur dont la possession a été continue pendant plus d'une année a, contre celui qui trouble sa possession ou qui l'a dépossédé, un droit d'action pour faire cesser le trouble ou être remis en possession.

 

1991, c. 64, a. 929.

 

930.  La possession rend le possesseur titulaire du droit réel qu'il exerce s'il se conforme aux règles de la prescription.

 

1991, c. 64, a. 930.

 

931.  Le possesseur de bonne foi est dispensé de rendre compte des fruits et revenus du bien; il supporte les frais qu'il a engagés pour les produire.

 

Le possesseur de mauvaise foi doit, après avoir compensé les frais, remettre les fruits et revenus, à compter du jour où sa mauvaise foi a commencé.

 

1991, c. 64, a. 931.

 

932.  Le possesseur est de bonne foi si, au début de sa possession, il est justifié de se croire titulaire du droit réel qu'il exerce. Sa bonne foi cesse du jour où l'absence de titre ou les vices de sa possession ou de son titre lui sont dénoncés par une procédure civile.

 

1991, c. 64, a. 932.

 

933.  Le possesseur peut être remboursé ou indemnisé pour les constructions, ouvrages et plantations qu'il a faits, suivant les règles prévues au chapitre de l'accession.

 

1991, c. 64, a. 933.

 

 

SECTION II 

DE L'ACQUISITION DES BIENS VACANTS

 

 

§ 1. —  Des biens sans maître

 

934.  Sont sans maître les biens qui n'ont pas de propriétaire, tels les animaux sauvages en liberté, ceux qui, capturés, ont recouvré leur liberté, la faune aquatique, ainsi que les biens qui ont été abandonnés par leur propriétaire.

 

Sont réputés abandonnés les meubles de peu de valeur ou très détériorés qui sont laissés en des lieux publics, y compris sur la voie publique ou dans des véhicules qui servent au transport du public.

 

1991, c. 64, a. 934.

 

935.  Les meubles sans maître appartiennent à la personne qui se les approprie par occupation.

 

Les meubles abandonnés que personne ne s'approprie appartiennent aux municipalités qui les recueillent sur leur territoire ou à l'État.

 

1991, c. 64, a. 935.

 

936.  Les immeubles sans maître appartiennent à l'État. Toute personne peut néanmoins les acquérir, par accession naturelle ou prescription, à moins que l'État ne possède ces immeubles ou ne s'en soit déclaré propriétaire par un avis du curateur public inscrit au registre foncier.

 

1991, c. 64, a. 936.

 

937.  Les biens sans maître que l'État s'approprie sont administrés par le curateur public; celui-ci en dispose conformément à la loi.

 

1991, c. 64, a. 937.

 

938.  Le trésor appartient à celui qui le trouve dans son fonds; s'il est découvert dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié au propriétaire du fonds et pour l'autre moitié à celui qui l'a découvert, à moins que l'inventeur n'ait agi pour le compte du propriétaire.

 

1991, c. 64, a. 938.

 

 

§ 2. —  Des meubles perdus ou oubliés

 

939.  Les meubles qui sont perdus ou oubliés entre les mains d'un tiers ou en un lieu public continuent d'appartenir à leur propriétaire.

 

Ces biens ne peuvent s'acquérir par occupation, mais ils peuvent, de même que le prix qui leur est subrogé, être prescrits par celui qui les détient.

 

1991, c. 64, a. 939.

 

940.  Celui qui trouve un bien doit tenter d'en retrouver le propriétaire; le cas échéant, il doit lui remettre le bien.

 

1991, c. 64, a. 940.

 

941.  Pour prescrire soit le bien, soit le prix qui lui est subrogé, celui qui trouve un bien perdu doit déclarer le fait à un agent de la paix, à la municipalité sur le territoire de laquelle il a été trouvé ou à la personne qui a la garde du lieu où il a été trouvé.

 

Il peut alors, à son choix, garder le bien, en disposer comme un détenteur ou le remettre à la personne à laquelle il a fait la déclaration pour que celle-ci le détienne.

 

1991, c. 64, a. 941.

 

942.  Le détenteur du bien trouvé, y compris l'État ou une municipalité, peut vendre le bien s'il n'est pas réclamé dans les 60 jours.

 

La vente du bien se fait aux enchères et elle a lieu à l'expiration d'un délai d'au moins 10 jours après la publication, dans un journal distribué dans la localité où le bien est trouvé, d'un avis de vente mentionnant la nature du bien et indiquant le lieu, le jour et l'heure de la vente.

 

Cependant, le détenteur peut disposer sans délai du bien susceptible de dépérissement. Il peut aussi, à défaut d'enchérisseur, vendre le bien de gré à gré, le donner à un organisme de bienfaisance ou, s'il est impossible d'en disposer ainsi, le détruire.

 

1991, c. 64, a. 942.

 

943.  L'État ou la municipalité peut vendre aux enchères, comme le détenteur du bien trouvé, les biens meubles qu'il détient, sans autres délais que ceux requis pour la publication, lorsque:

 

 1° Le propriétaire du bien le réclame, mais néglige ou refuse de rembourser au détenteur les frais d'administration dans les 60 jours de sa réclamation;

 

 2° Plusieurs personnes réclament le bien à titre de propriétaire, mais aucune d'entre elles ne prouve indubitablement son titre ou n'agit en justice pour le faire établir dans le délai d'au moins 60 jours qui lui est imparti;

 

 3° Le bien déposé au greffe d'un tribunal n'est pas réclamé par son propriétaire, soit dans les 60 jours de l'avis qui lui est donné de venir le prendre, soit dans les six mois qui suivent le jugement final ou le désistement d'instance si aucun avis n'a pu lui être donné.

 

1991, c. 64, a. 943.

 

944.  Lorsqu'un bien, confié pour être gardé, travaillé ou transformé, n'est pas réclamé dans les 90 jours de la fin du travail ou de la période convenue, il est considéré comme oublié et son détenteur peut en disposer après avoir donné un avis de la même durée à celui qui lui a confié le bien.

 

1991, c. 64, a. 944.

 

945.  Le détenteur du bien confié mais oublié dispose du bien en le vendant soit aux enchères comme s'il s'agissait d'un bien trouvé, soit de gré à gré. Il peut aussi donner à un organisme de bienfaisance le bien qui ne peut être vendu et, s'il ne peut être donné, il en dispose à son gré.

 

1991, c. 64, a. 945.

 

946.  Le propriétaire d'un bien perdu ou oublié peut, tant que son droit de propriété n'est pas prescrit, le revendiquer en offrant de payer les frais d'administration du bien et, le cas échéant, la valeur du travail effectué. Le détenteur du bien a le droit de le retenir jusqu'au paiement.

 

Si le bien a été aliéné, le droit du propriétaire ne s'exerce, malgré l'article 1714, que sur ce qui reste du prix de la vente, déduction faite des frais d'administration et d'aliénation du bien et de la valeur du travail effectué.

 

1991, c. 64, a. 946.